

Pour sa 35e édition, Le Printemps du Livre de Montaigu met à l’honneur Boualem Sansal. L’écrivain franco-algérien est actuellement dans les geôles de l’Algérie pour avoir défendu la liberté d’expression.
Le festival a adressé une invitation symbolique à l’auteur via sa maison d’édition, en signe de solidarité. Malgré son absence physique, Boualem Sansal occupera une place centrale lors de cette édition du salon littéraire de Montaigu.
Un moment privilégié intitulé « Boualem Sansal, absent mais si présent » lui sera consacré pendant le festival. Cette Escale Littéraire accueillera Kamel Bencheikh, écrivain et poète franco-algérien, ami fidèle de Boualem Sansal. Les deux hommes partagent une vision lucide des dérives politiques algériennes et un engagement profond pour la liberté d’expression.
Né en Algérie et installé en France, Kamel Bencheikh est une voix engagée contre la censure et le fanatisme. Son dernier essai, L’islamisme ou la crucifixion de l’Occident – Anatomie d’un renoncement, en témoigne. Il apportera son éclairage sur l’œuvre et le combat de Boualem Sansal. Kamel Bencheikh intervient le samedi 29 mars à 17 h 30 sous le chapiteau de la place de l’Hôtel de Ville.
Tout au long du festival, un espace dédié permettra aux visiteurs de découvrir et d’acheter les ouvrages de Boualem Sansal. Kamel Bencheikh sera également présent les samedi 29 et dimanche 30 mars pour échanger avec le public.
Auteur majeur de la littérature francophone, Boualem Sansal s’est illustré par ses romans dénonçant la corruption, le fanatisme et les abus du pouvoir algérien. Les autorités algériennes l’arrête en novembre 2024. Il a alors 80 ans et souffre d’un cancer. On l’incarcère à Alger pour « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Cela suscite depuis des mois une vague d’indignation internationale. Le 20 mars 2025, le parquet du tribunal algérien requiert une peine de 10 ans de prison ferme. Le verdict est attendu pour le 27 mars.
En mettant en avant son œuvre et son combat, le Printemps du Livre de Montaigu réaffirme son engagement pour la liberté d’expression et la force des mots.
« L’œuvre de Boualem Sansal, d’une richesse et d’une profondeur rares, ses mots emprunts de courage et de lucidité, tout nous rappelle avec force la nécessité de défendre des valeurs de liberté qui nous sont chères, » souligne Antoine Chéreau, président de Terres de Montaigu, communauté d’agglomération organisatrice du Printemps du Livre.
Cette table ronde a été animée par la journaliste Catherine Morand, dont nous reproduisons ci-dessous l’argumentaire.
Les auteurs originaires du continent africain font un tabac et remportent des prix littéraires parmi les plus prestigieux. Le prix Goncourt 2024 a ainsi été remis au franco-algérien Kamel Daoud pour Houris, trois ans après La plus secrète mémoire des hommes du Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr. Tandis que le Renaudot 2024 a été attribué au Rwandais Gaël Faye pour Jacaranda, pour ne citer qu’eux. «La langue française enjaillée par les littératures africaines?», c’est en tout cas une question qui sera posée au Salon du livre de Genève lors d’une table-ronde proposée par l’association Défense du français dans le cadre de la Semaine de la francophonie et de la langue française. Outre Christine Le Quellec qui enseigne la littérature d’Afrique francophone à l’université de Lausanne, Ibrahima Aya, auteur et éditeur malien, et directeur de la Rentrée littéraire du Mali, sera présent à cette occasion, incarnant la vitalité de la littérature et de l’édition sur le continent africain, où les salons du livre se multiplient, chaque pays mettant un point d’honneur à organiser le sien.
C’est qu’aujourd’hui, deux francophones sur trois vivent sur le continent africain, ce qui permet à la langue française de figurer parmi les cinq langues les plus parlées dans le monde, par plus de 300 millions de personnes. Reste que la plupart de ces pays sont en fait plurilingues, le français étant la langue de communication entre des locuteurs qui ont des premières langues différentes, parfois plusieurs dizaines dans le même pays, comme c’est le cas au Cameroun ou en Côte d’Ivoire. La langue française de par sa coexistence avec de nombreuses langues nationales se voit donc irriguée, enrichie, réinventée par des mots et des expressions qui ont acquis leurs lettres de noblesse en francophonie. Dans plusieurs pays sahéliens en revanche, tels le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, la rupture avec l’ex-puissance coloniale rejaillit sur la langue française, reléguée au rang de langue de travail, avec une tendance nette à la valorisation des langues nationales. Le célèbre auteur sénégalais Boubacar Boris Diop, qui écrivait jusqu’alors en français, a même annoncé qu’il «ne rédigerait désormais plus qu’en wolof, principale langue nationale du Sénégal», tout en appelant ses collègues écrivains à en faire autant. Sur fond de tensions politiques, l’Algérie, où l’arabe est la langue officielle, a, en 2022, introduit l’anglais dès l’enseignement primaire, pour contrebalancer le français.
Reste que c’est un écrivain d’origine algérienne, Boualem Sansal, qui, l’année dernière, peu avant d’être arrêté et jeté en prison par les autorités algériennes, publiait le plus vibrant hommage à la langue de Molière paru ces derniers temps. Dans son livre Le français, parlons-en! (Editions du Cerf), il se montre certes très critique à l’égard du pouvoir algérien qui «au nom d’une politique de réislamisation expresse» a «banni le français qui assurait le lien avec le monde libre et l’univers de la philosophie». Mais aussi, il alerte les Français et la France sur la dégradation de leur propre langue, dans leur propre pays. «Si demain, vous et vos enfants, vous vous retrouvez à bredouiller du globish à deux pennys étoilés ou du wesh à deux dinars troués, n’allez pas le reprocher à ceux qui n’ont eu de cesse de vous alerter», lance-t-il dans le langage fleuri qu’on lui connaît. Du coup, on se prend à rêver : et si les «trumperies» à répétition donnaient l’envie aux francophones de boycotter le globish triomphant et ce franglais à deux balles qui pollue notre belle langue française? Cela serait une belle manière de répondre positivement aux mises en garde de Boualem Sansal, mais aussi aux initiatives visant à boycotter des produits américains, lancées il y a quelques jours.
Ce grand rassemblement organisé par le Comité de soutien international a attiré des centaines de gens, parmi lesquels de nombreuses personnalités politiques de tous bords. Etaient présents aussi l’écrivain et essayiste Kamel Bencheikh ainsi que le caricaturiste Ghilas Aïnouche (apparaissant tous deux sur les photographies reproduites ici).
Le vendredi 14 mars 2025 a eu lieu la première journée d’étude initiée par notre collectif « Littérature et liberté », et organisée par les laboratoires du CERCC de l’École normale supérieure de Lyon et du CEREdI de l’Université de Rouen Normandie.
Cette rencontre, « Boualem Sansal et la littérature mondiale », souhaitait notamment à explorer les nombreux liens intertextuels de cette œuvre avec la littérature mondiale. L’événement a permis également de réaffirmer le soutien de la communauté universitaire, réunissant tant des chercheurs et chercheuses que des étudiantes et étudiants.
Il est à noter que c’est la première journée d’étude entièrement consacrée à Boualem Sansal en France – même si les œuvres de Boualem Sansal ont auparavant, bien entendu, souvent été analysées dans le cadre de colloques en littératures francophones.
Cette soirée de soutien à Strasbourg a été organisée par la Licra, en partenariat avec le journal Marianne. Des dessins réalisés en direct par le caricaturiste et dessinateur de presse algérien Ghinas Aïnouche ont été projetés tout au long des interventions.
Cette soirée de soutien s’est déroulée à Bruxelles, à l’initiative de Djemila Benhabib et Kamel Bencheikh, militants universalistes d’origine algérienne. Avec la participation du Comité de soutien international à Boualem Sansal et du Comité belge de soutien à Boualem Sansal.
Cette soirée, organisée le 18 février 2025 et animée par François Busnel, a réuni de nombreux écrivains : Daniel Pennac, Laure Adler, Erik Orsenna, Catherine Cusset, Kamel Daoud, Karina Sainz Borgo, Catherine Cusset, Enki Bilal, Pascal Bruckner, Camille Laurens, Paule Constant, Erri de Luca, Joann Sfar, Florence Aubenas, Sylvain Tesson, Franz Olivier-Giesbert et d’autres auteurs de renom intervenant à distance : Sorj Chalandon, Robert Saviano, Amélie Nothomb, Pierre Assouline.
Revivez la soirée « Les écrivains autour de Boualem Sansal » | Institut du monde arabe
L’organisation du Prix de la paix des libraires allemands, l’éditeur allemand de Boualem Sansal (Merlin Verlag) et le magazine culturel en ligne Perlentaucher ont lancé dès novembre un appel à la libération de Boualem Sansal, qui avait reçu en 2011 le Prix de la paix.
Nous publions la traduction française de cet appel par Martine Benoit (Université de Lille), afin d’inviter les lecteurs français à en prendre connaissance et à le signer en ligne.
Pendant des jours, l’écrivain algérien Boualem Sansal avait disparu. Hier, il a été présenté à un tribunal à Alger. Il n’est pas encore certain qu’il dispose d’une assistance juridique indépendante. Il est censé être poursuivi pour avoir tenu des propos sur l’histoire algérienne – selon le droit algérien, il est passible de peines draconiennes. Il est donc question qu’un écrivain aille en prison pour ses opinions.
Boualem Sansal est un critique déterminé du régime algérien et de l’islamisme. Il ne craint pas non plus de dénoncer un islam « officiel » incapable de mettre en place un dispositif de lutte contre l’islamisme, ni dans les pays musulmans, ni dans les pays occidentaux. Nul n’est tenu d’être de son avis. Mais qui veut discuter, ne doit pas permettre qu’on le dépossède de son interlocuteur.
L’avocat français de Sansal, François Zimeray, craint selon RTL que Sansal, après avoir tenu des propos qui ont défié le nationalisme algérien, soit accusé d’espionnage et, après un procès arbitraire, emprisonné pour une longue période.
Sansal est un citoyen algérien et français, donc européen. Nous, écrivains et journalistes allemands et internationaux ainsi que représentants d’organisations culturelles, demandons la solidarité avec Boualem Sansal.
À l’adresse au gouvernement algérien, il n’y a qu’une chose à dire : aucun écrivain ne peut être emprisonné pour ses opinions. Nous exigeons sa libération immédiate !
Nous soutenons la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock et son collègue français Jean-Noël Barrot dans leurs efforts pour obtenir du gouvernement algérien des explications sur le sort de Boualem Sansal et pour informer l’opinion publique allemande et européenne de la réponse du gouvernement algérien. Sansal a besoin d’une assistance juridique indépendante et d’un accès à sa famille, ses amis et aux représentants de l’ambassade de France.
Celui qui « fait disparaître » Boualem Sansal, comme l’a exprimé son collègue et ami Kamel Daoud, porte atteinte, en ce moment de polarisation extrême, à la possibilité même du débat. Une telle politique vise à détruire la démocratie, y compris en Europe. Si les démocraties ne s’opposent pas à une telle politique, elles sont perdues.
Parmi les premiers signataires :
Swetlana Alexijewitsch (Prix de la paix 2013, Prix Nobel de littérature 2015)
Anne Applebaum (Prix de la paix 2024)
Aleida Assmann (Prix de la paix 2018)
Margaret Atwood (Prix de la paix 2017)
Seyla Benhabib (Prix Adorno 2024)
Carolin Emcke (Prix de la paix 2016)
David Grossman (Prix de la paix 2010)
Elfriede Jelinek (Prix Nobel de littérature 2004)
Navid Kermani (Prix de la paix 2015)
Claus Leggewie (chercheur en sciences politiques)
Jo Lendle (éditeur, Carl Hanser Verlag)
Wolf Lepenies (Prix de la paix 2006)
Liao Yiwu (Prix de la paix 2012)
Katharina E. Meyer (éditrice de Boualem Sansal, Merlin Verlag)
Herta Müller (Prix Nobel de littérature 2009)
Orhan Pamuk (Prix de la paix 2005, Prix Nobel de littérature 2006)
Salman Rushdie (Prix de la paix 2023)
Irina Scherbakowa (Prix Nobel de la paix 2022 pour l’organisation Memorial)
Martin Schulz (ancien Président du Parlement européen)
Liste complète des signataires : https://www.friedenspreis-des-deutschen-buchhandels.de/freiheit-fuer-boualem-sansal
Signer l’appel : https://www.boersenverein.de/politik-positionen/freiheit-fuer-boualem-sansal/
Télécharger l’affiche (en allemand) pour faire connaître l’appel : https://www.friedenspreis-des-deutschen-buchhandels.de/fileadmin/user_upload/preistraeger/2020-2029/2024/FreeSansal.pdf